Exploration du tumulus de Kervabo (1896)

SAINT YVI (CANTON DE ROSPORDEN)

retranscription de l’article issu des bulletins et mémoires de la société d’émulation des Côtes du Nord, Tome XXXIV de 1896.

A trois kilomètres au Sud-Est du bourg de Saint Yvi, et à cinq cents mètres au Sud du village de Kervabo, sur point culminant , d’où on a un horizon splendide, dans un champ dit Goarem-ar-Vond, est un beau tumulus de cinquante mètres de diamètre et de deux mètres soixante centimètres de hauteur au-dessus du sol.

Le propriétaire nous ayant autorisé à le fouiller, nous ouvrîmes, à sa base Ouest, une tranchée de quatre mètres de large, dirigée de l’Ouest à l’Est .

Nous ne tardâmes pas à rencontrer un amoncellement de pierres, disposé en cône, dont le sommet, correspondant au centre du tumulus, était à 1m,35 sous l’enveloppe d’argile jaune formant la croûte du monument, et dont la base, enveloppant les parois de la sépulture, reposait sous le sous-sol rocheux, ainsi que nous l’avons reconnu au cours de notre exploration. Ces pierres protégeaient la table de recouvrement de la sépulture, et empêchaient ses parois latérales de chasser. À la base de cet amoncellement, dans la partie Sud-Est, npous avons recueilli une pierre creusée, ayant servi à concasser le grain.

Dégageant en allant vers l’Est nous recueillons, dans notre tranchée, de nombreux fragments de charbon, quelques morceaux de poteries, des éclats de silex et des percuteurs. Enfin nous rencontrons la table dolménique recouvrant la sépulture, au niveau du sol environnant. Un amoncellement de pierre de 80 centimètres d’épaisseur, à son point culminant, la recouvre.

La paroi Ouest de la sépulture étant dégagée, nous reconnaissons qu’elle est construite à pierres sèches. Parvenant à enlever quelques pierres nous passons la tête par cette brèche et, nous éclairant d’une bougie, que nous tenons à bras tendu, nous voyons que la chambre est vide de toute infiltration. Nous agrandissons la brèche à grand peine ; car tout le poids de l’énorme dalle de recouvrement porte sur les parois. Enfin la voilà assez grande, nous nous y glissons, et nous voyons que la sépulture a été creusée jusqu’au roc, que le fond est recouvert d’une couche uniforme de cendre grise, qu’au centre est un vase à quatre anses, couché intentionnellement sur le côté, l’orifice dirigé vers l’Est.

Un de mes fouilleurs se glisse à mes côtés et procède avec la plus grande attention, sous mes yeux, à l’enlèvement des cendres déposées sur la roche formant le fond de la sépulture. Parmi ces cendres, diverses parcelles d’os calcinés ; au centre de la chambre le vase en argile à quatre anses couché sur le côté (voir sa photographie ci-jointe). Il est intact

et ne contient rien ; à côté de lui un poignard en bronze, à rivet, long de 10 centimètres, et c’est tout; rien autre qu’une couche de reste incinérés, de 15 centimètres d’épaisseur, jusqu’à l’extrémité Est du caveau. Là était l’entrée. Que veut dire ce vase vide posé sur le côté, au milieu des restes du défunt? Une pensée toute mystique a présidé, sans doute, à son dépôt ; c’est symbole de la vie qui s’échappe.

Enfin nous prenons des mesures avant de sortir de cette sépulture, où il fait bien froid, après avoir toutefois remarqué que ses parois sont bâties à pierres sèches, et que celles du Nord et du Sud le sont avec léger encorbellement.

Longueur intérieure Ouest-Est, 2 mètres 55 centimètres ; hauteur intérieure sous la table, 2 mètres.

Largeurs prises à la moitié de la hauteur :

A l’extrémité Est, 1m,54 centimètres.

A l’extrémité Ouest, 1m,65 centimètres.

La dalle dolménique recouvrant le caveau a 3m,50 centimètres de long sur 1m,25 centimètres de large et 26 centimètres d’épaisseur moyenne. Cédant sous le poids énorme des pierres et de la terre amoncelées dessus, elle était fendue dans les sens de la largeur, à 1m,30 de son extrémité Ouest, quand nous l’avons découverte.

Ce qui a forcé à la construction en encorbellement, de deux des parois, c’est que la table de recouvrement se fut trouvée un peu trop étroite en conservant aux murs Nord et Sud leur aplomb.

A deux cents mètres à l’Ouest de ce tumulus de Kervabo en était un second, sur la montagne de Jolbec. Ouvert par son propriétaire, en 1983, il contenait une sépulture un peu plus petite mais de même construction, que celle que nous venons d’explorer. Elle était recouverte d’une dalle en schiste bleuâtre. Le propriétaire a tout nivelé sans faire aucune constatation.

NOTES PRISES SUR LES LIEUX

A Keryen, à deux kilomètres à l’Ouest du bourg de Saint-Yvi, en 1890, en creusant les fondations d’une maison, il fut découvert une grotte souterraine contenant des fragments de poteries.

La voie Romaine, se dirigeant par Rosporden vers Quimper, passait en St-Yvi sur les terres de Kervabo, de Kerbiano-Bihan et de Kerlagadec ; et sur celle de Kervélec entre Saint-Yvi et Quimper. On en suit facilement le tracé sur plusieurs points du parcours.

La voie se dirigeant de Concarneau sur Carhaix coupait la précédente et la route actuelle de Rosporden à Saint-Yvi, à 2 kilomètres de cette première localité, et allait, à partir de ce point, à travers la commune d’Elliant.

P. DU CHATELLIER