Tribunal correctionnel de Quimper: affaire du bois de Pleuven

Audience du 27 août 1904

LA FORÊT FOUESNANT. — Félix Guirinec, 20 ans, cultivateur au village de-Guernalec. est redouté à dix lieux à la ronde, aussi les faits qui l’amènent devant le tribunal ont été l’objet d’une instruction laborieuse et difficile. Personne, en effet, ne voulait parler, tant cet individu est la terreur de ceux qui le connaissent. Cet individu est poursuivi pour mutilation et abattage d’arbres et en outre pour violences et voies de faits sur la personne d’un sieur Gourmelen, garde particulier chez M. Corbière, propriétaire au bois de Pleuven, en Saint-Yvi.

Voici ce fait que nous avons déjà relaté en son temps. Le 5 juin dernier, vers onze heure du soir, le sieur Gourmelen était réveillé par les aboiements des chiens de son patron. Quelques secondes après il entendit une détonation d’arme a feu et percevait le bruit de plomb cassant les vitres de la fenêtre et tombant dans l’appartement où il loge. Le coup avait été tiré à environ onze mètres de la maison et obliquement de façon à atteindre un lit placé entre la fenêtre et le mur où le malfaiteur devait supposer que le garde était couché. Les six vitres de la croisée avait été trouées par le plomb et une partie avait volé en éclats. Une armoire qui était placée en face de la fenêtre avait également été criblée de plombs. Enfin sur le lit où couchait la domestique de Gourmelen. quelques éclats de verre avaient été projetés; elle n’avait eu heureusement aucun mal.

Le garde se leva mais n’osa sortir de crainte d’une surprise.

Le lendemain, vers 4 h. du matin, faisant une ronde sur la propriété, Gourmelen constata que quatre pommiers avaient été sciés et deux autres avaient eu leur écorce enlevée. Il put relever des traces de pas allant dans la direction du village où habitait Guirinec.

Les soupçons se portèrent sur ce dernier qui à maintes reprises avait proféré des menaces contre le garde.

Un autre Individu, le nommé Jean-Marie Pierre, 21 ans, scieur de long au village de Kerhuel, en la Forêt-Fouesnant, fut aussi impliqué dans cette affaire comme complice connut de Guirinec, mais la poursuite dont il était l’objet a du être abandonnée.

Guirinec soutient avec la plus grande énergie qu’il n’est point coupable et qu’il était couché lorsque ces faits se sont passés; cependant, un témoin qui a fini par parler au dernier moment, affirme de la façon la plus nette l’avoir vu passer à environ trois pas de lui après la détonation.

Ce témoin avait eu besoin de sortir ; comme on le voit ce n’est que bien accidentellement qu’il a aperçu Guirinec. Il n’a pas osé parler plus tôt de peur d’être maltraité par ce dernier. Malgré les présomptions graves qui pesaient sur Guirinec, le tribunal n’a pas cru devoir retenir l’affaire et a acquitté le prévenu.

Maître Le Diberder, avocat, s’était porté partie civile au nom du sieur Gourmelen. Maître de Servigny a présenté la défense de Guirinec.